Entretien avec Jacques Pidoux – Président de BCF Life Sciences

photo de Jacques Pidoux

BCF Life Sciences est une société basée à Pleucadeuc, dans le Morbihan. Leader dans l’extraction d’acides aminés libres, cette PME qui en douze ans est passée de 80 à 185 salariés, réalise un chiffre d’affaires de 40 millions d’euros dont 64% grâce à l’export.

Très bel échange avec Jacques Pidoux, son Président, un patron solide et enthousiaste qui ne manque jamais de ressources. Il nous explique quels sont les moyens qu’il a su déployer avec son associé pour surmonter la période Covid et préserver la croissance de l’entreprise.

 

Agnès Duroni : Jacques, pouvez-vous nous expliquer l’activité de votre entreprise ?

Jacques Pidoux : Nous avons développé une technologie haut de gamme d’extraction d’acides aminés naturels (cystine notamment) issus de la Kératine, protéine contenue dans les plumes de volailles. Nous collectons cette matière première et nous procédons à l’extraction des acides aminés en « cassant » la structure des protéines. C’est un métier unique en Europe et un savoir-faire que nous maitrisons depuis 1986.

Nos produits sont destinés à des industries telles que la pharmacie, la nutrition médicale, les marchés des compléments alimentaires. Une autre partie de notre activité est destinée à des marchés de niches à valeur ajoutée dans les domaines des biostimulants, du secteur vétérinaire ou encore de l’aquaculture. Les biostimulants, en particulier, contribuent à la réduction de l’usage des pesticides en faveur d’une agriculture plus durable.

BCF Life Sciences est une PME avec une stratégie d’hyperspécialisation qui a pour objectif de développer des marchés de niches par des solutions nutritionnelles innovantes.

BCF Life Sciences est une entreprise en croissance. Nous avons beaucoup grandi depuis 2009 en multipliant le CA par 2,5 et en recrutant de nouveaux talents (notre effectif est passé de 80 salariés à 185 salariés). Avec tout ce que la croissance amène comme euphorie et … comme complexité.

Vous codirigez l’entreprise avec Renaud Sergheraert. Quels sont les rôles de chacun ? Comment cela fonctionne-t-il au quotidien ? Quelles sont les clés de votre succès ?

Nous nous connaissons depuis 26 ans. Nous avons travaillé ensemble avant de nous associer. Il s’agit d’une vraie codirection d’entreprise. Nous avons mis en place une organisation claire : Renaud a un prisme plutôt technique avec la responsabilité de l’Industrie, la Qualité, la Recherche et Développement. J’encadre le Développement et le Commerce, les Ressources Humaines, la Finance et les Achats. Ce fonctionnement a été assimilé très rapidement par les salariés.

Nous nous sommes ainsi répartis les rôles, je suis Président et Renaud Sergheraert est Directeur Général mais nous avons toujours partagé le même bureau. C’est une grande force et cela nous permet de passer beaucoup de temps sur l’ensemble des sujets :

  • Nous n’avons pas besoin de fixer des moments précis pour communiquer.
  • Nous prenons toutes les décisions majeures ensemble quels que soient les sujets.
  • Nous avons beaucoup de choses en commun : la vision de l’entreprise, les valeurs auxquelles nous sommes l’un comme l’autre attachés…
  • Nous nous retrouvons sur l’essentiel : notre regard sur l’entreprise, les objectifs à tenir, la contribution de BCF Life Sciences à l’environnement et à son écosystème, les choix à moyen et long terme, l’importance pour l’entreprise d’être utile et de donner du sens au travail de chacun.
  • Nos orientations, nous les choisissons avec l’objectif de construire une entreprise innovante et résiliente. Nos choix ne sont pas uniquement financiers.

J’ai toujours pensé que « de bons associés peuvent faire de bons amis, mais que de bons amis ne font pas nécessairement de bons associés ».

Comment avez-vous réagi face à la crise sanitaire ? Qu’avez-vous mis en place ? 

Nous n’avons jamais cessé notre activité. Depuis le début de la crise Covid et du premier confinement en mars 2020, il y a eu un très fort engagement de nos salariés avec 98% de présentéisme et une forte mobilisation.

Nous nous sommes organisés avec Renaud Sergheraert, le Directeur de la production et le DRH. Nous avons mis en place une cellule de crise et nous nous sommes assurés d’un fonctionnement décroisé – l’objectif étant que les équipes se croisent le moins possible. Par exemple, le laboratoire Qualité fonctionnait en horaires décalées.

Nous avons mis en place le télétravail pour une partie de nos métiers mais certaines fonctions support ont continué à travailler en présentiel. Nous avons été très présents avec Renaud. Nous étions déjà dans des conditions qui permettaient un passage au télétravail facilement : un ERP qui fonctionnait, de nombreux postes de travail nomades… Nous devrons nous préparer de plus en plus à ce type d’éventualités.

Nous avons également organisé de nombreuses réunions. Nous avons rencontré les équipes de jour comme de nuit pour répondre aux questions, parler des règles sanitaires, rassurer sur la santé financière de l’entreprise. Je n’ai pas hésité à venir sur le site la nuit, le weekend également. A présent, avec le 2ème confinement, nous repartons sur le même fonctionnement.

 

 

Avez-vous revu certains modes de management ou mis en œuvre d’autres initiatives en réponse à la crise liée à la Covid ?

Notre mode de management d’avant la crise nous a permis d’être agile et d’avoir une communication fluide : pour nous, les choses se sont faites naturellement. Mais pour une entreprise de notre taille, la qualité du système d’information est vraiment un sujet à regarder de près, à approfondir. La notion de continuité de l’activité pour les clients est essentielle.

Nous avions fait circuler un questionnaire de retour d’expérience des salariés durant le premier confinement. Plus de 80% d’entre eux étaient favorables à la mise en place du télétravail dont une majorité qui souhaitait préserver un équilibre entre télétravail et travail sur site. Le message pour beaucoup était très clair : « le télétravail a ses limites, c’est un frein en termes de communication : j’ai besoin de voir mes collègues, de partager un café… ».

Nous avons autorisé le télétravail à raison de 3 jours par mois avec une flexibilité totale pour choisir les jours. Nous pensons qu’il ne faut pas imposer les jours. Pour moi comme pour mon associé, il y a un préalable de confiance. Sans cette logique, cela ne peut pas fonctionner.

Qu’avez-vous mis en place pour développer votre marque employeur et accroitre la qualité de vie au travail ? Pour faciliter la vie de vos collaborateurs ?

Tout d’abord, nous avons mis l’accent sur la stratégie RSE depuis plus d’un an avec le développement de quatre axes :

  • Le développement humain et le développement territorial, avec la contribution de l’entreprise au développement des équipes et à l’ancrage territorial.
  • La santé et la nutrition humaine par la contribution de nos produits.
  • La préservation des ressources, en veillant aux impacts de notre activité et à notre consommation énergétique.
  • La création de valeur partagée, notamment par une démarche d’achats responsables et l’actionnariat salarié.

Nous avons ouvert le capital aux salariés en mai 2019 via un FCPE (Fonds Commun de Placement d’Entreprise) et mis en place un système d’abondement. 80% de nos salariés ont décidé d’investir dans l’entreprise, ce qui est un niveau exceptionnel de souscription. C’est un témoignage de confiance et d’engagement fabuleux. Cela a été un très beau signe de reconnaissance pour nous.

En ce qui concerne l’ouverture au capital, avez-vous eu des freins, des réticences à franchir au début ?

Il s’agit d’une action que nous avions déjà engagée en 2014 avec un taux de souscription qui était beaucoup plus faible. Avec du recul, on peut dire que la croissance de l’entreprise n’était pas aussi forte et que notre stratégie n’était pas aussi claire : nous sommes désormais en passe de devenir des « hyper spécialistes » focalisés sur des marchés hauts de gamme à valeur ajoutée en santé humaine, végétale ou animale. Les collaborateurs ont une vision plus partagée du cap stratégique de l’entreprise et de ses résultats. Je pense que ces éléments ainsi que la communication que nous avons faite autour du projet n’a fait qu’accroitre la confiance des salariés dans cette démarche et augmenter le taux de participation.

Vous avez plutôt bien traversé cette crise. Néanmoins, il y a encore beaucoup d’incertitudes aujourd’hui à l’extérieur. Quels enseignements tirez-vous de cette période complexe ?

Il y a surtout deux choses que je retiendrai :

  • Une obligation d’informer de manière extrêmement régulière. Les salariés doivent savoir ce qui se passe en termes de commandes clients, de trésorerie, d’approvisionnements,… En tant que dirigeants, nous avons un devoir de communication d’informations pour rassurer les salariés. C’est notre responsabilité de maintenir le cap stratégique et de communiquer fréquemment.
  • Malgré la crise sanitaire, nous devons continuer à faire avancer les sujets stratégiques. Les exigences sont les mêmes qu’avant et nous devons faire progresser BCF Life Sciences sur le long terme. Il n’est pas question, parce ce que nous traversons une crise inédite par sa violence, de mettre l’entreprise entre parenthèses et de geler nos projets.

La détermination à faire avancer une entreprise vient en grande partie des dirigeants et dans un moment d’incertitude et de flottement, c’est bien à nous de la faire évoluer avec l’ensemble des équipes.

Je crois qu’un dirigeant, dans ce type de crise, doit être d’abord vu et entendu.

 

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