Un intrapreneur du développement durable chez PSA Peugeot Citroën

Dix ans après sa création, Vigeo, l’agence européenne d’analyse et de notation sociale (fondée et présidée par Nicole Notat) a lancé en 2012 sous sa propre marque, de nouveaux indices pour évaluer les entreprises en termes de responsabilité sociale et environnementale (RSE).

Alors que le projet de cessation d’activité du site d’Aulnay de PSA Peugeot Citroën est au cœur d’un grand nombre de controverses, le constructeur automobile a obtenu de très bons scores  (80/100 en RH, 75/100 en droits de l’homme) et figure en 3ème position de l’indice Vigeo France 20. Explications avec Patrice-Henry Duchêne, Délégué au Développement Durable du Groupe PSA Peugeot Citroën.

 

Agnès Duroni – Bonjour Patrice-Henry, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Patrice-Henry-DuchenePatrice-Henry Duchêne – Je suis Délégué au Développement Durable depuis 2 ans et demi, après avoir passé 10 ans sur le site industriel de Poissy ou j’étais responsable de la communication interne et des relations extérieures. Je suis également Président de l’association régionale de la Filière Automobile en Ile-de-France. Ma mission actuelle est en grande partie consacrée à l’animation transversale des divisions du groupe sur nos engagements dans les différents domaines de la RSE (environnement, politique sociale, engagement sociétal).Elle englobe également le reporting extra-financier (obligation légale) et le dialogue avec les parties prenantes, notamment avec les agences de notations extra-financières.

Pourquoi parle-t-on aujourd’hui autant de RSE au sein des grands groupes ?

Une politique ambitieuse de RSE, peut permettre de traverser une période difficile, voire une crise grave. La RSE est devenue à la fois une exigence business du marché et une exigence réglementaire (loi Grenelle 2)*. L’absence de politique RSE aura maintenant des conséquences publiques. Dès cette année, les entreprises cotées seront passées au crible sur 42 thématiques dont 17 concernant la politique sociale de l’entreprise, et 14 l’environnement. La CEE réfléchit à étendre cette législation à l’Europe. Cela durcit les contraintes de calendrier (décret de la loi Grenelle 2 – fin avril 2012), de périmètre (l’ensemble des filiales consolidées), et de vérification (ce qui est affirmé par l’entreprise doit maintenant être vérifié par un tiers). Comme un certain nombre, le Groupe PSA Peugeot Citroën était déjà très engagé avec une politique RSE très volontariste depuis 2002/2003 et un reporting précis. Nous étions donc préparés ! La RSE est par ailleurs un immense atout pour la réputation d’une entreprise. C’est pour cela qu’on en parle beaucoup aujourd’hui. Pour moi, elle est un des éléments prévalent de la marque employeur.

Quels sont les enjeux en lien avec la marque employeur ?

Il y a des enjeux internes et des enjeux externes. L’engagement des équipes passe par la fierté ressentie. Elle se traduit par l’exposition de la marque dans les médias (presse, médias numériques,…). En période de crise, nous sommes attentifs à la résistance de nos marques (baromètres, présence dans les médias sociaux comme Twitter, Facebook, veille des bloggueurs). Au-delà du recrutement et des nouveaux talents, il y a l’enjeu de l’engagement des équipes dans un contexte de marché difficile. Par ailleurs, il est nécessaire de continuer à avoir une communication externe. Il est important de communiquer pour nos clients et nos actionnaires sur les différentes marques du groupe mais surtout pour attirer les talents dans le futur.

Comment expliquez-vous vos très bons résultats issus du classement de Vigeo ?

Nos points forts sont les suivants :

  • La durée de notre engagement : Nous avons le souci de nos responsabilités sociales. C’est dans notre ADN et la société a 200 ans ! En effet dès le début, le groupe s’est intéressé aux conditions de travail (logement des ouvriers, magasins pour le personnel, centre de vacances pour les collaborateurs). « Le vivre Peugeot » (logement, commerce, loisirs,…) est encore bien ancré. C’est une tradition.
  • Le faible impact environnemental de nos produits : Nous nous engageons dans le respect de l’environnement avec la recherche de produits à faible impact sur l’environnement, la diminution et la valorisation des déchets, la protection des sols… Nous plaçons la réduction d’émissions de CO2 au cœur de notre politique d’innovation en proposant des véhicules plus respectueux de l’environnement. Nous sommes d’ailleurs depuis 2012 leader européen en matière de réduction d’émissions de CO2.
  • Un dialogue social intense et ambitieux : Nous avons été par exemple la première entreprise à mettre en place un accord sur l’égalité Hommes/ Femmes ou sur la diversité.
  • L’accompagnement social des restructurations : Je citerai la déclaration publique de Nicole Notat, présidente de Vigeo. « Une entreprise ne peut pas être tout au long de son existence dans une période d’embauche. Parfois, il faut ajuster sa voilure et ses effectifs aux vents contraires, et c’est là qu’on juge véritablement la volonté, la capacité de l’entreprise à accompagner ses restructurations ».Nous n’avons pas licencié, les seuls départs reposent sur la base du volontariat.

Quelles sont les défis et les tendances à venir ?

De plus en plus, la réputation va représenter un actif de l’entreprise. La réputation va se nourrir de l’utilité sociale de l’entreprise et plus seulement de sa performance financière. La communication corporate s’appuie fortement sur la RSE et la communication produit doit maintenant montrer les avantages sociaux au-delà des avantages consommateurs. Je pense par exemple à toute la communication « Made in France ».

L’entreprise ne va plus être dans le « greenwashing » ou le déclaratif. Elle va prouver ce qu’elle dit et expliquer ce qu’elle fait. Dans le même temps, les clients (B to B) demandent aussi de plus en plus cet engagement. La demande du grand public va être plus « verte », plus impliquée socialement et localement (embauche locale, dialogue riverain,…), plus impliquée dans l’environnement. Le consommateur l’exige, l’entreprise ne va pas y échapper même si la crise a tendance à gommer cette attente au profit du discours sur le pouvoir d’achat. C’est l’émergence lente d’un nouveau business modèle.

Est-ce que la RSE est liée à la performance ?

Le dire de façon globale est très réducteur ! Si vous anticipez sur la future demande des consommateurs, si vous nourrissez votre réputation et votre marque de valeurs qui sont en phase avec l’évolution de la société, alors vous construisez nécessairement votre performance à moyen terme.

Mais la RSE n’a pas un ROI à 18 mois ! Il faut accepter de construire le travail dans le temps ! Ça peut être plus court pour certains sujets (par exemple la création d’une fondation peut créer des bénéfices assez vite) mais en règle générale, c’est beaucoup plus long. La RSE engage beaucoup de sujets structurants comme la gouvernance, les relations sociales, l’implication dans la définition de l’environnement, et l’implication dans ses territoires d’implantation.

Le travail sur la biodiversité, le dialogue social, le dialogue avec les parties prenantes (ONG, gouvernement,…) se construisent dans la durée.

Merci beaucoup Patrice-Henry pour ce témoignage.

 

*RSE : publication du décret n° 2012-557 du 24 avril 2012 relatif aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environnementale

 

 Pour plus d’informations sur le décret :

http://www.arnaudgossement.com/archive/2012/04/29/rse-publication-du-decret-n-2012-557-du-24-avril-2012-relati.html/

 

1 Commentaire

  1. AR_HRCom Répondre

    La notion et l’interprétation de responsabilité sociale en France et aux Etats-Unis sont si différents. Alors que Peugeot parle de « logement des ouvriers, magasins pour le personnel, centre de vacances pour les collaborateurs…logement, commerce, loisirs,… » Une grande entreprise aux Etats-Unis parlerait de « corporate citizenship » où les employés – déjà peu payés – doivent donner de leur temps pour construire (un logement de famille) pour la communauté. Bien entendu, tout ne se limite pas à cela mais force est de reconnaître qu’ autres temps, autres mœurs en termes de Marque Employeur.

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