Interview Crédit Agricole : Regards croisés de Pierre Deheunynck et Sophie Serratrice

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Présent dans 50 pays avec 150 000 collaborateurs (dont 40 000 hors de France), le groupe Crédit Agricole S.A. poursuit le développement de sa marque employeur et de son dispositif Web 2.0 avec le lancement de MyCAJobs, une application mobile dédié au recrutement .

Très belle rencontre et long échange au sein du nouveau siège Evergreen à Montrouge avec Pierre Deheunynck, DRH Groupe et Sophie Serratrice, Directrice Recrutement et Marque employeur Groupe pour comprendre les enjeux RH de l’entreprise et ses innovations. Extraits.

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Pierre Deheunynck

Dans le groupe Crédit Agricole S.A. depuis janvier 2009, Pierre Deheunynck est Directeur des Ressources Humaines Groupe et Directeur du programme Evergreen. Il est également Président de Crédit Agricole Immobilier depuis fin 2011. Pierre Deheunynck a commencé sa carrière chez BSN – Danone en 1986 où il a exercé différentes fonctions au sein des Ressources humaines du groupe, en France comme à l’international. Nommé Directeur des Ressources humaines Asie-Pacifique, à Singapour en 2000, il a été en charge de la Direction générale du Développement des Hommes et des Organisations de 2005 à 2008.

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Sophie Serratrice 

Dans le groupe Crédit Agricole S.A. depuis janvier 2011, Sophie Serratrice est Directrice Recrutement et Marque employeur Groupe. Elle a débuté sa carrière chez Bull en 1990 puis a occupé différentes fonctions dans de grands cabinets de conseil. Avant de rejoindre le groupe Crédit Agricole S.A., elle a occupé le poste de Directrice des Opérations et des Ressources Humaines chez Bain & Company de 2006 à 2011.

Agnès Duroni – Vous semblez avoir mis un accent fort sur votre marque employeur depuis quelques mois? Pourquoi ? Est-ce dû à un manque d’attractivité ?

Pierre Deheunynck En 2008, la Banque n’avait aucune difficulté à recruter. Aujourd’hui, le contexte a changé, les technologies aussi et nous assistons à une véritable guerre des talents. Nous avons tous les mêmes diplômés et les mêmes technologies, mais ce qui fait la différence dans les organisations, ce sont les hommes et les femmes, la personnalité, c’est-à-dire l’humain. Il y a quelques années, quand je travaillais chez Danone, ce qui faisait l’attractivité pour les collaborateurs comme pour les candidats auraient pu se résumer à deux idées : la stratégie d’une entreprise (et en particulier la vision d’un patron charismatique) et le message d’Activia « Ce qui se fait à l’intérieur se voit à l’extérieur ». Aujourd’hui, pour moi, la marque employeur est le résultat de deux éléments déterminants : la capacité à réaliser une stratégie qui soit lisible et la réussite avec laquelle on conduit l’ensemble des tâches y compris les plus simples. Il est donc déterminant d’être pertinent dans la stratégie globale de l’entreprise. La marque employeur est le meilleur des indicateurs de la performance globale. Attirer des candidats est d’ailleurs tout aussi important qu’attirer des clients.

Pour revenir à votre question, il est clair que les résultats du secteur, depuis la crise des subprimes, nous ont impacté en terme d’attractivité. Par ailleurs, le Crédit Agricole est perçu comme une banque régionale, locale et sur un seul métier. C’est une force, mais elle n’est pas toujours visible aux yeux de tous. Nous réalisons un tiers de notre chiffre d’affaires hors de France, d’où notre campagne « De St Flour à Singapour ». Mais certains pensent plus naturellement à St Flour ! Nous avons, en effet, un sujet sur la marque. Nous souhaitons développer une marque ombrelle pour accroitre notre visibilité. La marque employeur sera donc un élément structurant.

Est-ce que l’image de la banque mutualiste vous a aidé ou au contraire freiné ?

Sophie Serratrice – Etre mutualiste, c’est un atout, mais c’est aussi une limite quand il y a une incompréhension autour de la définition. C’est pourquoi nous devons l’expliquer aux collaborateurs. Les caisses sont détenues par des clients sociétaires selon le principe de vote d’un homme, une voix. Ils peuvent s’exprimer et formuler des suggestions sur l’évolution de l’entreprise. Les points remontés sont ensuite discutés en conseil d’administration. L’humain et l’utilité sont au centre des décisions de la banque. La finalité d’une banque mutualiste est d’être un acteur de la société civile avec une utilité pour sa ville, sa région, son pays. Ce qui caractérise également notre groupe, c’est que nous sommes une banque avec une organisation décentralisée et une certaine autonomie, contrairement à d’autres grandes banques beaucoup plus intégrées.

Quels sont les enjeux RH du Crédit Agricole ?

Pierre Deheunynck Aujourd’hui nous avons trois enjeux RH :

1/ Un enjeu de transformation de nos métiers

Les équipes RH vont contribuer à cette transformation grâce à la formation, la construction prospective des nouveaux métiers, le recrutement, l’organisation du travail,… Pour accompagner ce changement profond, nous allons faire évoluer les profils, les compétences, le rapport aux technologies, les parcours professionnels, l’environnement immobilier,…C’est une transformation globale.

2/ Un enjeu de gestion individuelle des parcours

Je ne crois pas au projet intergénérationnel concernant les seniors. On ne s’arrête pas de créer après 45 ans ! On crée toute sa vie ! Je pense que segmenter avec l’âge est  une erreur. Au contraire, nous devons créer des parcours « cafétérias », c’est à dire des parcours individuels qui seront des leviers de l’engagement, des mégasystèmes au microsystèmes, et de la business unit à la micro-entité. Si nous n’avons pas la capacité à imaginer des parcours individualisés, nous ne saurons pas fidéliser les talents. L’objectif est de construire un système basé sur cette idée pour avoir un vrai dispositif. Les banques anglo-saxonnes ont réussi à le faire avec le « partnership ».

La gestion individuelle concerne aussi les dispositifs d’évolution et de mobilité. Nous avons par exemple revu le processus de nomination de nos dirigeants en mettant en place une évaluation 360 degrés (interne et externe). Dans le cadre d’une nomination de patron de pays, nous allons ainsi garantir la meilleure compétence interne au regard d’un « benchmark » externe, qui lui sera réalisé au niveau local.

3/ Un enjeu de diversité

La diversité est nécessaire pour supporter les deux premiers enjeux. Par ailleurs, nous ne serons pas performants si nous ne nous y intéressons pas. Mais la diversité n’est pas uniquement représentée par l’égalité hommes/ femmes, la gestion du handicap,…Même si ces sujets sont au cœur de nos préoccupations, je pense que c’est bien plus que cela  et que cette dimension est déterminante. Nous avons deux projets qui illustrent bien la diversité du groupe : le Grand Prix Louise Tallerie et Evergreen.

En synthèse, j’ajouterai que ce qui est important dans une stratégie RH c’est la cohérence entre ce qui est annoncé et ce qui est vécu. Si on se dit collaboratif, on doit l’être sur le recrutement, les bonus, la proximité des dirigeants, l’immobilier, …

Pouvez-vous nous parler du projet Louise Tallerie  et nous dire pourquoi il porte ce nom ?

Sophie Serratrice – C’est un concours ouvert aux jeunes femmes en licences et masters, qui a pour volonté de promouvoir la parité femmes/ hommes et favoriser l’émergence de cadres dirigeantes. Nous offrons un an de tutorat par un dirigeant du Groupe aux membres de l’équipe finaliste mais aussi des propositions de stage ou de contrats en alternance, et l’ouverture à un réseau professionnel. Pour nous c’est une façon d’impliquer notre management, de changer les idées reçues  et de prouver que les  femmes ont les mêmes capacités que les hommes. En France, 60% des étudiants en master sont des étudiantes. Mais dans les entreprises, seuls 30% des cadres supérieurs et des dirigeants sont des femmes. Le groupe Crédit Agricole s’engage pour changer cela. A terme, nous souhaitons également créer le “Club du Grand Prix Louise Tallerie”, un véritable réseau de femmes à fort potentiel que nous accompagnerons dans leur début de carrière.

Louise Tallerie a été en 1927, la première femme directrice d’une caisse régionale du Crédit Agricole (Caisse des Ardennes). Quand la deuxième guerre mondiale a éclaté, elle est partie se mettre à l’abri à La Rochelle, en emmenant tous les dossiers de ses clients pour poursuivre son activité. Elle a ainsi réussi à travailler durant toute la période de guerre pour revenir dans sans région à la fin du conflit. Chef d’entreprise, veuve de guerre et déjà un modèle pour les femmes, elle a marqué l’histoire du Crédit Agricole.

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Quel rôle et quel degré d’importance attribuez-vous aux réseaux sociaux ?

Sophie Serratrice – Nous avons une vraie volonté de présence sur les réseaux sociaux. Ce sont des supports comme les autres mais ils sont plus puissants et plus économiques que les médias institutionnels. Nous souffrons d’un manque d’attractivité, c’est d’ailleurs le cas de l’ensemble du secteur bancaire qui a été très affecté depuis quelques années. Depuis un an et demi, nous avons donc mis en place une stratégie combinant une présence forte et ciblée sur les réseaux sociaux, et des actions de proximité. Cela nous permet de :

–          limiter l’ « effet erreur »: on peut décider d’arrêter quelque chose qui ne marche pas (contrairement à de grandes campagnes sur les médias traditionnels),

–          de segmenter les populations : Facebook pour le Prix Louise Tallerie et SOS Apprentis, LinkedIn pour les profils plus expérimentés, Twitter pour développer notre image, communiquer sur le groupe et poster quelques offres, sans oublier notre site carrières mycreditagricole.jobs.

Par ailleurs, les usages se déportent du web vers les applications mobiles. Pour compléter notre dispositif, nous venons de lancer une application mobile dédiée au recrutement MyCAJobs qui répond à une réalité. Cette application permet aux « mobinautes » de rechercher et consulter l’ensemble des offres, de créer des alertes, de découvrir des vidéos présentant nos métiers, … mais aussi de bénéficier de conseils sur le CV et la lettre de motivation.

Le plus important reste de définir une stratégie, et de savoir quels messages on souhaite passer. Les réseaux sociaux ne sont que des supports, certes plus économiques que les médias traditionnels (presse, TV,…). Nos quatre idées fortes sont : une banque mutualiste, un groupe leader, une dimension internationale, et une banque d’entrepreneurs.

Les médias sociaux devraient aussi nous aider à répondre à nos enjeux forts de recrutement. Nous allons recruter 4 000 CDI, et intégrer 3 500 alternants, 6 000 stagiaires, 150 VIE. Nous sommes le 1er recruteur du secteur bancaire et le 9ème tous secteurs confondus.

Le nouveau siège de Montrouge et vos locaux sont très impressionnants (design, espaces verts, ,…). Pouvez-nous nous en dire un peu plus sur le projet Evergreen. Pensez-vous que la qualité des locaux a un impact positif sur le bien-être des collaborateurs ?

Pierre Deheunynck Effectivement, le campus offre des conditions de travail luxueuses et spacieuses et l’objectif est bien d’accroitre le bien-être au travail.  Nous avions des bureaux fermés, nous avons créé des conditions pour faire évoluer notre modèle managérial. Nous voulons que le travail soit plus collaboratif, avec plus d’échanges, de proximité, de transversalité, et de créativité dans un espace différent et décloisonné. Il y aura de moins en moins de verticalité et de territoires réservés. A titre d’exemple, nous avons conservé pour les équipes RH, 3 bureaux fermés sur les 170 initiaux. Nous avons également mis en œuvre des initiatives pour faciliter la vie et le bien-être de nos collaborateurs : télétravail, ajustement des transports, réunions à l’extérieur au sein des espaces verts,…Il ne suffit pas de dire à quelqu’un « change ! » pour qu’il évolue. Grâce à ce projet, nous avons créé de bonnes conditions pour faire contribuer l’ensemble des équipes à l’évolution de l’entreprise et tenir le cap dans les cycles difficiles.

Nous sommes actuellement 4 000 sur le Campus Evergreen. Le campus accueillera 10 000 collaborateurs d’ici 2016, sur un site de 8 hectares. Ce projet participe à la transformation du groupe. Il est l’illustration d’une entreprise responsable, soucieuse de ses clients et de ses collaborateurs tout en restant attaché au respect de l’environnement et de l’écosystème local de Montrouge.

 

Evergreen

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